Un enseignement donné par Raphaël Triet pendant la deuxième session d’été

 

Dans le chapitre «Gyoji» du Shôbôgenzo, Dogen évoque Maître Isan.

Le moine Choquai Dais dit : «Trente ans durant, j’ai demeuré sur le mont Isan, trente ans durant j’ai mangé les repas d’Isan et expulsé les excréments d’Isan. Les mots d’Isan, je ne les ai pas étudiés, j’ai seulement pu dresser un buffle dans le pâturage. Il s’y promène tout le long de la journée.»

Cette métaphore du buffle revient souvent dans l’histoire du zen. Cela symbolise notre nature rebelle, les bois tordus comme le disait Kodo Sawaki. Dresser ce buffle, c’est notre affaire à tous, la grande affaire de notre vie, le dresser, l’amadouer, l’adoucir. Il y a toute une série de peintures sur les façons de dresser le buffle.

Ce moine Choquai Dais était condisciple de Isan et tous les deux étaient disciples de Hyakujo. Mais il était plus jeune que lui. Après la mort de Hyakujo, c’est Isan qui va diriger le temple. Et après la mort d’Isan, c’est Choquai. Alors on l’appelait aussi Goisan, ce qui veut dire Isan après Isan ou encore le second Isan. Et le temple était sur le mont Isan. C’est simple.

Leur premier mondo est resté rare, célèbre, et Sensei le racontait souvent. Quand nous étions jeunes, ce type d’histoire nous émerveillait.

Isan abandonna ses parents à l’âge de quinze ans pour se faire moine dans un temple vinaya. À vingt-trois ans il partit en pèlerinage. Il s’arrêta au monastère de Hyakujo. Dès que Hyakujo le vit, il l’autorisa à demeurer au temple. Hyakujo avait reconnu un poisson doré. Issan y resta vingt ans comme tenzo, puis devint le principal disciple de Hyakujo, et ensuite prit sa succession sa mort.

Leur premier mondo est resté rare, célèbre, et Sensei le racontait souvent. Quand nous étions jeunes, ce type d’histoire nous émerveillait.

Un jour qu’Isan servait Hyakujo à manger, celui-ci lui demanda : «Qui es-tu ?»

«Je suis Isan», répondit-il. Alors Hyakujo lui demanda : «Veux-tu remuer les cendres et voir s’il reste encore quelques braises ?»

Isan remua les cendres en vain. Il dit : «Il n’y a plus de braises».

Hyakujo se leva de son siège et alla lui-même fourgonner les cendres jusqu’au fond du fourneau. Et il réussit à en retirer un minuscule petit charbon ardent. Il le montra à Isan en lui demandant : «Ne serait-ce pas une braise ?»

C’est la première fois qu’Isan s’éveilla.